Un été sportif ?
Jamais une récession n’avait été tant attendue aux États-Unis. Pourtant, au fil des trimestres, son échéance semble progressivement s’éloigner. L’explication réside dans l’insolente vitalité du marché de l’emploi américain, qui a été dopée par la demande de biens durables au moment des confinements, puis par les plans de relance et enfin par l’appétit retrouvé dans les loisirs, le tourisme ou les restaurants… Mais voilà, après la crise du Covid, l’Amérique voulait réembaucher les personnes qu’elle avait mises au chômage mais nombre d’entre elles sont définitivement sorties du marché du travail. Ces tensions récurrentes alimentent une inflation persistante, créant une forme de cercle infernal tandis que l’activité économique reste très dynamique.
Les banquiers centraux courent après la caravane
Après une trop longue période d’observation, la hausse des taux directeurs s’est faite à marche forcée pour devenir la plus rapide de toute l’histoire des États-Unis. Comme Sisyphe, condamné par les dieux à rouler chaque jour un lourd rocher en haut d’une colline, la FED condamne son président Jerome Powell à relever les taux directeurs, encore et encore. L’absurdité dont est consciente la Réserve Fédérale est que pour stopper l’inflation, il faut casser la dynamique de l’emploi. Plus elle montera ses taux, plus la croissance américaine sera anéantie avec le risque d’orchestrer une récession. Si la communication de la FED a perdu en crédibilité, c’est aussi parce que l’administration Biden déploie une politique budgétaire très expansionniste. Les colossales dépenses engagées sur la transition énergétique alimentent l’emploi et l’inflation. Désormais bridés par l’accord trouvé sur le plafond de la dette, ces plans de relance portent aussi une volonté d’accomplissement et de prospérité retrouvée de l’Amérique en vue des élections présidentielles de 2024.
Alors comment l’investisseur peut-il s’y retrouver alors que les banques centrales et les grands bureaux de recherches n’ont de cesse de retourner leur veste ?
- Le premier constat est qu’après trente années de baisse de taux, nous sommes entrés dans un nouveau paradigme de taux d’intérêt qui vont durablement offrir des rendements positifs tout en maintenant un coût de la dette élevé. Les modèles d’évaluations économiques doivent être tous modifiés en conséquence.
- Le second constat voit le resserrement monétaire agir beaucoup plus sur l’évolution des actifs immobiliers, obligataires, les actions et les matières premières que sur l’inflation. La transmission de ces hausses de taux peut prendre entre 10 et 12 mois pour influer sur l’économie réelle, alors que leurs incidences sur les marchés sont quasi immédiates.
- Enfin, le troisième constat est que la volatilité qui a commencé à se tendre sur toutes les classes d’actifs est appelée à perdurer. Attention à ne pas s’y tromper : la volatilité crée des opportunités, à condition d’être agile et réactif. C’est le grand retour de la gestion active !
A l’approche de l’été, le marché avait chaussé ses lunettes roses mais ce début de semestre devrait s’annoncer plus sportif. De grâce, demandez à votre gestionnaire de ne pas rester le ventre collé sur sa serviette de plage. Les portefeuilles ont besoin de valeurs ayant de la visibilité mais aussi un prix raisonnable. La sélection des bonnes thématiques sera discriminante à la fois pour protéger la performance de début d’année mais aussi pour tirer profit de cette nouvelle période d’incertitude.
Achevé de rédiger le 7 juillet 2023
Guillaume Di Pizio