Et si l’Intelligence Artificielle était plus qu’une « prothèse cérébrale » ?

L’IA générative fascine et terrorise à la fois car elle s’impose comme une opportunité financière grâce à ses gains de productivité tout en étant perçue comme une menace pour l’humanité.

Le progrès avance à pas de géant. Inattendue l’année dernière, désormais la guerre de l’IA fait rage dans l’univers des « méga-sociétés », les seules à avoir une puissance de feu suffisante pour financer ce type développement. Microsoft fait la course en tête suivi par Google (qui a gagné +11% en une semaine après l’annonce que son IA est opérationnelle) et le chinois Baidu est très en retard, son « Ernie Bot » serait 25 fois moins puissant que ChatGPT. Et l’Europe dans tout ça ? Comme dit l’adage : « les américains inventent, les chinois copient et les européens régulent ». Effectivement, le Parlement européen a adopté jeudi 11 mai, le règlement « AI Act » qui cherche d’abord à réguler les systèmes d’IA, en les classant en fonction de leur niveau de risque, de faible à inacceptable (notamment pour l’interdiction de la reconnaissance faciale dans les lieux publics).

Certes, l’intelligence conversationnelle de ChatGPT4 va permettre à Microsoft d’enrichir son ‘’pack Office’’, facilitant les comptes rendus, la création de documents, les recherches sur internet… et faire fondre les recettes des moteurs de recherche, principalement celui de son rival Google. Le résultat de l’utilisation de la première version de ChatGPT est édifiant : la requête la plus utilisée était… de nouvelles recettes de pâtes !

Plus sérieusement, le champ d’application des IA est tellement gigantesque qu’il est appelé à toucher tous les secteurs de l’économie. Des milliers de scénaristes de télévision et de cinéma américains se sont mis en grève ce mois de mai 2023, après l’échec des négociations sur une hausse de leur rémunération avec les principaux studios et plateformes. Bon nombre seront remplacés par des machines. Dans le secteur de l’énergie, une étude suggère que l’IA pourrait contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 1,6 % à 2,2 % d’ici 2030. Dans la médecine, les coûts de recherche du séquençage du génome pourraient baisser de 90% avec l’IA. Dans l’éducation, la société Duolingo réfléchit à utiliser OpenAI pour faire travailler ses élèves dans toutes les langues tandis que la plateforme d’éducation en ligne CHEGG a perdu plus de 60% en bourse depuis la mise en service gratuit de ChatGPT. Les évolutions peuvent pratiquement conduire à une forme de transhumanisme. Par exemple, l’IA peut décrire avec précision une photographie ce qui permettrait aux non-voyants de s’orienter ou de s’approprier un environnement inconnu.

Attention à ce que cette révolution ne devienne pas une « prothèse » verbale voire cérébrale pour écrire, coder, comprendre ou réfléchir. La rapidité avec laquelle ces évolutions et leurs dérives s’effectuent est surprenante. Le père fondateur de l’IA, Geoffrey Hinton, vient de démissionner de chez Google, jugeant que les progrès actuels sont « effrayants ». Il a changé d’avis sur la capacité de ces modèles informatiques à apprendre mieux que le cerveau humain, pensant que la machine pourrait échapper à son créateur et hacker l’être humain : « ces choses auront tout appris de nous, lu tous les livres de Machiavel, et si elles sont plus intelligente que nous, elles n’auront pas de mal à nous manipuler ».

Désormais, il faut nous prémunir de ces intelligences artificielles qui façonneront le monde de demain :

  • Les IA auront une capacité de bombarder les réseaux sociaux avec des « fake-news» de plus en plus réalistes pour répondre à l’avidité humaine de ce genre d’émotion.
  • La machine pourra créer son propre langage et générer des cyberattaques de plus en plus complexes à décoder.
  • À force de moissonner les datas et d’agréger des milliers d’œuvres et de textes pour les reproduire, l’absence de créativité engendrera une uniformisation des arts par la convergence des styles.
  • Qu’en est-il de la confidentialité ? Ce qui est sur internet reste sur internet, de manière quasi-indélébile. Les informations injectées dans les IA « gratuites » de type ChatGPT font partie intégrante de la base de données et sont recyclées instantanément pour les autres utilisateurs. Attention, également, aux financiers qui saisissent la situation patrimoniale de leurs clients, les médecins qui l’utilisent pour gagner du temps sur la gestion administrative des patients, ou encore la saisie d’éléments stratégiques d’une entreprise…

Tant qu’il n’y aura pas la source des références utilisées, l’intelligence générative continuera à délivrer un mélange de vrai et de faux avec une certitude absolue. Car la machine-IA n’a aucune « conscience » de ce qu’elle raconte, ce qui peut conduire à une perte totale de sens.

Il est impossible vouloir freiner ou lutter contre le progrès ; la substitution du capital humain par la machine est à l’œuvre depuis des décennies. Cette révolution de l’intelligence artificielle va être créatrice de nouvelles professions comme ça l’a été à chaque révolution. L’IA fait déjà partie intégrante de la finance où son cœur bat au rythme des algorithmes mais aucun krach ne se ressemblent et le comportement des investisseurs reste toujours aussi imprévisible, preuve en est de l’évolution des cryptomonnaies…N’oublions pas qu’Artificial Intelligence vient de l’anglais où « intelligence » peut aussi signifier « renseignement ». La machine a besoin de se nourrir du comportement humain et restera démunie de « génie créateur ». Alors faisons confiance à l’humain pour continuer de rêver, d’imaginer et pour sa capacité à dépasser ce qui existe.

 

 

Achevé de rédiger le 12/05/2023

Guillaume Di Pizio