Et pourtant elle tourne !
Il y a presque cinq siècles, l’astronome italien Galilée était condamné pour hérésie en affirmant que la terre est bien ronde. Aujourd’hui, 16% des Américains sont convaincus que la terre est plate. Cette proportion s’est bien entendu accrue avec l’explosion du temps passé sur les réseaux sociaux où les jeunes de moins de 24 ans y consacrent en moyenne 4 heures par jour. Ce fléau de la désinformation est alimenté par des algorithmes destinés à assouvir le « je ne vois que ce que je crois » où il est inutile de mettre en doute l’information reçue pourvu qu’elle soit satisfaisante. Le mariage de l’Homme et de la Machine se consume, c’est irréversible. Désormais, l’intelligence artificielle entre avec fracas dans notre vie et propulse certaines valeurs technologiques vers des niveaux stratosphériques. Rappelons-nous avant toute chose que « Intelligence » signifie « renseignement » en anglais. Arrêtons de diaboliser l’IA comme un soulèvement des machines appelé à asservir son créateur. L’IA va générer avant tout des gains de productivité insoupçonnés pour les entreprises.
Mais cet élan d’euphorie va-t-il perdurer ou s’agit-il d’une bulle ?
Mark Zuckerberg a présenté ses excuses devant le Sénat américain et auprès de victimes des dérives de ses plateformes numériques. Le lendemain, suite à la publication de ses résultats, le groupe Meta a enregistré le record du plus colossal gain en capitalisation en une séance pour une seule valeur depuis 140 ans avec plus de 200 milliards de dollars, soit la moitié de la valorisation de LVMH. En bourse aussi les règles ont changé. Comment rivaliser face à un annonceur qui peut publier votre publicité auprès de trois milliards de personnes en un clic ?
En 2024, Amazon.com va réaliser presque deux milliards de chiffre d’affaires par jour. Le système d’exploitation de Google-Android est présent dans les trois quarts des smartphones. Microsoft a une capitalisation boursière supérieure au PIB de la France et équipe environs 70% des entreprises, lesquelles pourront bénéficier des bienfaits de ChatGPT. Nul besoin d’évoquer le nombre d’iphones vendus sur la planète ou les perspectives de croissance incroyable de la société NVIDIA. Mais ne soyons pas dans le déni : « les américains créent, les chinois copient et les européens régulent ». Et l’écart avec le reste du monde est phénoménal. Gigantesque par la création de monopoles, par la capacité de mobiliser des milliers de milliards de dollars pour l’innovation, par leur taux de croissance au regard de leur capitalisation boursière.
Allons-nous revoir le retour de la loi Sherman pour démanteler les monopoles comme ce fut le cas au début du XXème siècle ou dans les années 80 avec AT&T ?
Il est très improbable que cela intervienne. Ces méga-compagnies ont créé des monopoles à l’échelle mondiale et les américains ne baisseront pas la garde face aux autres puissances, notamment la Chine. D’autre part, l’ampleur des déficits aux Etats-Unis est problématique. Les GAFAM sont une manne financière et l’Etat fédéral ne pourrait pas allouer ce niveau de montants de recherche & développement. N’oublions pas qu’internet a été créé par des budgets militaires américains au début des année 70. Maintenir une hégémonie technologique est une priorité absolue. Alors, les créatures GAFAM vont continuer à prospérer en nous accompagnant dans notre quotidien. Ces sociétés hypertrophient les indices mondiaux, captent inéluctablement des flux d’investissement et deviennent incontournables dans la gestion d’actifs. Il faut repenser la construction de portefeuille qui doit s’accompagner d’un socle de ces « megacaps » associées au « talent du gérant » communément appelé stock-picking.
Gardons l’esprit ouvert, sans avoir une vision aussi manichéenne que celle proposée par les marchés ces derniers mois même si la planète « action » semble être plate. De nombreuses sociétés doivent être sorties de l’ombre pour être revalorisées correctement. La gestion de convictions est loin d’avoir dit son dernier mot.
Achevé de rédiger le 9 février 2024
Guillaume Di Pizio