Deux salles, deux ambiances !
Une fois n’est pas coutume, les ménages américains travaillent et dépensent à tout crin ! Ils avaient réussi à repousser la récession tant redoutée en 2023 et maintenant, ils repoussent les perspectives d’une prochaine baisse des taux directeurs tant la consommation américaine reste soutenue.
La Reserve Fédérale hésite de plus en plus sur son calendrier d’assouplissement de politique monétaire qui pourrait avoir pour effet « d’appuyer sur l’accélérateur » et d’alimenter les pressions inflationnistes, donc de faillir à sa feuille de route.
La dynamique de l’économie américaine semble s’intensifier, creusant davantage l’écart avec l’Europe. Sur la période 1980-2024, le PIB a été multiplié par 10 aux Etats Unis, c’est deux fois plus qu’en France. L’Europe connait de nombreux retards de productivité par rapports aux Etats-Unis sur la facilité qu’ont les entreprises pour lever des capitaux, sur la flexibilité du marché de l’emploi, sur la capacité à développer des sociétés de taille gigantesque s’octroyant un monopole mondial avec une puissance de recherche & développement impossible à suivre, sur son indépendance énergétique ou de sa population moins vieillissante… Le PIB américain dépasse de 80% le PIB européen alors qu’ils étaient très proche il y a quinze ans.
Au sein de la Zone Euro, la croissance est attendue proche de zéro. Les économies allemande et italienne sont quasiment en récession et restent très dépendantes du reste du monde. Qu’arriverait-il si l’économie chinoise redémarrait de manière inattendue ? Ce serait une bonne nouvelle pour ces pays exportateurs mais le prix des matières premières s’envolerait créant des pressions inflationnistes, ce qui compliquerait davantage la tâche de la BCE.
La désynchronisation des Banques Centrales prendra inéluctablement forme dès le mois de juin, Christine Lagarde va sortir du bois avant Jerome Powell, dans un contexte où les marges de manouvres budgétaires sont très étroites en Europe.
Alors, lorsque chacun des Chefs d’Orchestre jouera une musique différente, comment réagiront les marchés ? Les cambistes semblent vouloir propulser le billet vert face à l’euro proche de la parité. Sur le marché obligataire, l’écart entre les emprunts d’Etat à 10 ans en Allemagne et aux Etats-Unis ne cessent de se creuser. Enfin, les marchés d’actions restent sourds, pour l’instant, à ces changements d’ambiances : les indices européens ignorent la perte de croissance comme sur le Titanic « pendant que l’orchestre continue de jouer, la confusion gagne ». Outre Atlantique, de nombreuses sociétés connaissent des valorisations très exigeantes mais la croissance ne perd pas son souffle.
Après un début d’année en fanfare, l’enjeu du deuxième trimestre sera de recomposer les portefeuilles en s’adaptant aux changements de rythme de baisse des taux. Les projecteurs sont braqués sur les publications de résultats, la valse de rotations sectorielles sur les actions pourra prendre corp. Le retour de la volatilité va nous rappeler combien est précieuse la contribution d’une gestion ayant su anticiper ce nouveau paradigme.
Achevé de rédiger le 12 avril 2024
Guillaume Di Pizio