CAC 40 Superstar
C’est historique, jamais notre CAC 40 national n’avait surperformé les marchés à ce point. Perché sur de nouveaux records, le CAC creuse l’écart ces cinq derniers mois en s’envolant 20% plus haut que l’indice phare mondial, le MSCI World.
Explications sur cette magnifique performance des actions européennes
Tout d’abord, il n’aura échappé à personne que la récession européenne tant redoutée, n’a pas eu lieu. La perception des investisseurs s’est améliorée grâce à plusieurs facteurs positifs, notamment les excellentes publications des sociétés européennes, la levée des restrictions en Chine et les températures hivernales exceptionnellement élevées qui ont allégé la facture énergétique. La composition sectorielle « cyclique » des indices bénéficie largement de ces évolutions : les secteurs du luxe, de l’aéronautique/tourisme et de l’automobile profitent de la réouverture des économies, tandis que le secteur bancaire tire parti d’un environnement de taux positifs. Le secteur pétrolier reste quant à lui incontournable, compte tenu du retard pris sur la course à la transition énergétique.
Ensuite, les chiffres macroéconomiques laissent percevoir que l’inflation mettrait beaucoup plus de temps que prévu à ralentir. « Good news is bad news» ou « bad news is good news » ? Le marché a décidé que c’était les deux ! Tout signe de faiblesse de l’économie est perçu comme l’attente d’une politique monétaire moins restrictive. À contrario, une consommation soutenue et un marché de l’emploi tendu sont le gage d’une activité dynamique, donc de la promesse de meilleurs profits pour les sociétés… Dans les deux cas, cela fait monter les actions de la zone euro.
De l’autre coté de l’Atlantique, l’incertitude règne et l’appétit pour le risque semble se refermer. L’inflation revêt toujours son lot d’imprévisibilités. La FED aura bientôt relevé les taux directeurs de 5% depuis une année, pour finalement perdre de plus en plus de crédibilité. Malgré une courbe des taux inversée (les rendements à 2 ans étant bien supérieurs de ceux à 10 ans), les taux montent toujours plus haut, renchérissant au passage les valorisations des indices actions et particulièrement les valeurs de croissance.
Difficile pour les investisseurs de s’y retrouver car « l’espace-temps » ne s’écoule pas à la même vitesse pour le politique et les ménages. En augmentant les taux, les banquiers centraux doivent attendre entre douze et dix-huit mois que les effets du durcissement monétaire se diffuse dans l’économie réelle : sur l’investissement des entreprises ou le marché immobilier, par exemple. En revanche, le consommateur, lui, connait un effet immédiat du « ressenti » de l’inflation. Lorsqu’il pousse le caddie, il dépense toujours autant alors qu’il achète moins d’articles. Il se convainc que cette hausse généralisée des prix ne sera pas durable, adoptant le discours des banquiers centraux sur la notion « d’ inflation transitoire ». Car dans les périodes où la spirale infernale « prix-salaire » ancre une inflation durable, le consommateur adopte un tout autre comportement : « mieux vaut acheter aujourd’hui car cela sera plus cher demain. » Certes, nous n’en sommes pas là, mais cette « maudite » inflation est appelée à nous coller comme le sparadrap inséparable du capitaine Haddock. En Europe, l’inflation sera plus élevée que prévu et prendra plus de temps pour se résorber du fait :
- des prix de l’énergie et de l’alimentation durablement élevés ;
- de la démondialisation : la relocalisation domestique engendre des coûts supplémentaires ;
- des tensions du marché de l’emploi qui induisent des pressions salariales donc la hausse des prix des services ;
- du coût de la transition énergétique (avec en plus le coût du gaz naturel importé en Europe).
Bref, le temps des marchés n’est pas le temps des politiques. Les premiers se projettent sur les six prochains mois tandis que les banques centrales naviguent à vue pour engendrer des évolutions dont les conséquences ne se feront sentir qu’à plus d’un an… Les déclarations des grands argentiers se succèdent, parfois se contredisent, mais le marché n’a pas besoin de PLUS de banques centrales mais de MIEUX de banques centrales.
La dernière fois que les actions européennes avaient surperformé les actions américaines remonte à la première moitié de l’année 2015. La BCE venait d’éteindre les risques « d’explosion » de la zone euro et se trouvait devant un alignement des planètes inédit, entre l’effondrement du prix du pétrole, la baisse des taux souverains et la chute de la devise européenne. Aujourd’hui, profitons de l’insolente résilience des indices ! Du haut de son talus, le CAC coqueline avant que le soleil ne se couche car les astres connaissent un nouvel alignement avec la poursuite de la hausse des taux, de l’euro et très probablement une nouvelle flambée des prix de l’énergie.
Achevé de rédiger le 07/03/2023
Guillaume Di Pizio