Braquage à l’anglaise ou à l’italienne ?

Le message est clair, il ne faut pas « plus » d’Europe mais « mieux » d’Europe. Les élections européennes ont été le théâtre d’un mouvement nationaliste particulièrement aigü en France, conduisant le gouvernement Macron à dissoudre l’Assemblée nationale.

Cap vers le Sud

Les marchés exècrent l’incertitude et se mettent à constituer une prime de risque sur les conséquences budgétaires et fiscales du nouveau gouvernement (quel qu’il soit) alors que les contours des programmes ne sont pas encore connus. Pourtant les dérapages continuent à s’accumuler au moment où la France a grand besoin d’un assainissement budgétaire avec un déficit excessif de plus de 5%. Sa note de crédit avait déjà été dégradée par l’agence Standard & Poor’s fin mai. C’est maintenant Moody’s qui a émis un avertissement, estimant que l’organisation des élections législatives anticipées avaient un effet négatif sur sa note de de crédit, pouvant abaisser à son tour sa perspective, puis sa notation… En conséquence, alors que beaucoup d’investisseurs s’étaient positionnés en faveur d’une baisse des taux souverains, les emprunts d’État remontent en flèche, se rapprochant du niveau des rendements portugais et espagnoles.

Quatre semaines d’incertitudes

Jusqu’au 7 juillet au soir, les actifs vont évoluer au gré des déclarations : y aura-t-il des privatisations (France Télévision) ou des nationalisations (Vinci) ? Comment les banques seront-elles impactées ? Quelles conséquences pour les valeurs de consommation ? La volatilité restera omniprésente sur les sociétés concernées. Mais, à l’issue du deuxième tour, deux possibilités vont s’imposer :

  • Celle d’un scénario à « l’italienne ». Lorsque Georgia Meloni avait été élue Premier ministre, les marchés se sont lourdement inquiétés de l’ampleur additionnelle des déficits menée par les réformes de la politique « Fratelli d’Italia ». Finalement, la posture du gouvernement italien a été très raisonnable quant aux dépenses publiques, séduisant à la fois les marchés obligataires et la Banque Centrale Européenne. Depuis, le gouvernement Meloni est toujours en place.
  • Soit une situation à l’image du remaniement ministériel au Royaume Uni, où Liz Truss avait été élue sur un programme de baisses d’impôts substantielles et une dérégulation visant à stimuler la croissance économique. Mais ces baisses d’impôts auraient coûté environ 45 milliards de livres sterling par an au Trésor public. Résultat : les taux souverains britanniques sont passés de 3% à 4,50% en quinze jours et Liz Truss est entrée dans l’histoire grâce à son exercice éclair du pouvoir  ; elle ne sera restée que quarante-neuf jours avant d’être évincée par son propre parti !

 

Gouverner c’est arriver à faire croire

A ce stade, il est très compliqué d’anticiper les conséquences de l’exercice du pouvoir en place le 8 juillet mais le marché anticipe (presque) toujours la prochaine étape. Il reste probable que le paroxysme de l’incertitude sera entre les deux tours, soit le point idéal pour les amateurs de « bottom fishing » (achats spéculatifs sur des points bas). Mais cette situation reste cantonnée aux valeurs domestiques françaises sachant que la majorité des valeurs des grands indices français réalisent une grande partie de leur chiffre d’affaires à ‘l’Internationale. En dehors de cette événement tricolore estival, les marchés vont rester focalisés sur la fable du lièvre et de la tortue entre la BCE et la FED.  La perspective d’une baisse de taux avant les élections présidentielles de novembre aux États-Unis semble s’éloigner et la révolution de l’Intelligence Artificielle continue de faire des émules en bourse.

S’affranchir des cycles

Une fois de plus, la gestion « thématique », qui consiste à investir dans un écosystème de manière transversale pour s’affranchir des cycles économiques, est l’investissement à privilégier. L’approche transversale porte sur toute la chaîne de valeur, quel qu’en soit le secteur, la zone géographique ou la taille de capitalisation. Les risques créent toujours des opportunités dans lesquelles un marché haussier ne peut se construire que sur un mur de craintes.

 

 

Achevé de rédiger le 12 juin 2024 par Guillaume Di Pizio