Удушье – Asphyxie

Après la sidération du déploiement des forces militaires russes sur l’ensemble du territoire Ukrainien, les marchés redoutent un enlisement du conflit. Un séquencement savamment orchestré par Vladimir Poutine a conduit à une invasion massive de ce territoire attisant le sentiment d’impuissance face au recul de la démocratie et de la souveraineté de nombreux pays dans le monde. L’Occident se refuse à une intervention sur les zones de combat, tout en livrant des armes et en accueillant les réfugiés. Le pessimisme grandissant est renforcé par une absence totale de visibilité dans la stratégie militaire de Vladimir Poutine et de l’ampleur de son dessein.

L’Union Européenne a surpris par sa cohésion et la rapidité de la mise en place d’un train de sanctions visant à asphyxier l’économie russe qui a été suivi par les Etats-Unis, Singapour, Monaco et même la Suisse ! Outre l’affaiblissement du pays, l’objectif inavoué serait de susciter une conversion tant des oligarques que de la population russe contre leur leader pour le mener sur la voie diplomatique.

 

 

Le marché exècre l’incertitude et la problématique fondamentale réside dans l’approvisionnement en énergies fossiles et autres matières premières dont les prix flambent, et pour lesquelles la Russie joue un rôle majeur

La vieille Europe connait une trop forte dépendance aux produits énergétiques russes, la privant de durcir significativement ses sanctions sous peine de se tirer une balle dans le pied. L’Union Européenne continue d’acheter chaque jour plus 700 millions de dollars de matières premières énergétiques et industrielles. Les clefs de substitutions immédiates résident dans les négociations autour de l’approvisionnement en gaz algérien et sur la remise sur le marché d’une partie de la production de pétrole iranien. Les velléités de développement d’autres sources d’énergies alternatives ou nucléaires ne peuvent apporter une réponse rapide car elles restent longues et couteuses à mettre en place. Ironie de la transition énergétique, alors que le prix du charbon explose le vice-chancelier allemand et ministre fédéral de l’Économie et du Climat, Robert Habeck s’est dit prêt à utiliser les centrales à charbon en « back-up ». Malheureusement, la Russie fournit 50% du charbon utilisé en Europe…

 

 

Les banquiers centraux sont pris au piège, la guerre est un GAME CHANGER selon Jay Powell

La guerre en Ukraine provoque une onde de choc brutale sur la hausse des prix des matières premières et des chaines de transport et d’approvisionnement pesant sur les marges des entreprises et sur le pouvoir d’achat des ménages, et in fine sur la consommation et l’investissement. Cette perspective de STAGFLATION (maintien d’une forte inflation avec une croissance faible) devient le cauchemar des banques centrales devant lutter contre la hausse persistante des prix sans fragiliser la dynamique de reprise. La durée du conflit déterminera désormais le cycle de resserrement monétaire. Le nœud se resserre et asphyxie progressivement le reste du monde. Pour autant, les primes de risque se regonflent mais sont encore loin des points culminants de mars 2020 :

 

 

Comment faut-il positionner les portefeuilles ?

Les traders se sont empressés d’appuyer les mouvements sur les « commodities » dont la liquidité de contrats disponibles accentue les amplitudes portant notamment le baril de Brent à plus de 120$. Serait-ce les mêmes qui ont débouclé leurs positions sur des prix du pétrole négatif en avril 2020 ?

La peur est souvent mauvaise conseillère, pourtant le rétropédalage des gestions semble complet : achats massifs d’emprunts d’Etat, vente de certains pays émergents notamment la Russie, jugés subitement « non éligibles aux critères ESG », vente des valeurs cycliques surtout européennes, achat des majors pétrolières et des valeurs de défense pour les maisons de gestion qui le peuvent…

Notre allocation de début d’année n’intégrait bien évidemment pas le choc lié à l’invasion de l’Ukraine mais anticipait une année 2022 très volatile après deux années de rebond quasi ininterrompu des indices actions. Notre exposition a continué de privilégier la zone américaine de croissance robuste avec un biais prudent sur l’Europe et une répartition entre Croissance (technologies américaines) – Défensive (santé -télécom) et Cyclique (minière -réouverture).

 

 

Après leur vive réaction donnant lieu à une baisse généralisée de l’ensemble des secteurs, les marchés devraient retrouver du discernement, portés par les carnets de commande pleins à craquer des entreprises, une situation de quasi plein-emploi et les perspectives de rattrapage des secteurs déjà lourdement affectés par les contraintes sanitaires. La volatilité restera de mise sur les marchés, mais les valorisations de nombreuses sociétés redeviennent très attractives et seront un point d’appui pour un prochain rebond des indices. L’adage « acheter au son du canon pour vendre au son du clairon » pourra se vérifier après la capitulation totale des « mains faibles ». Point d’inflexion qui semble se rapprocher furieusement au regard de la correction des indices actions de l’ordre de 15 à 20% depuis leur point haut.

 

 

Achevé de rédiger le 04/03/2022

Guillaume Di Pizio